Parfois nous reviennent, de ce qui a fui au long de l‘eau, ces instants qui nous apparaissent, le temps les ayant polis, épurés, débarrassés des scories, comme de beaux galets, pour ne laisser que l’essentiel… cette impression de troublante beauté que le courant nous avait fait un peu oublier.

Parfois d’un coin de la mémoire ressurgit la magie…

Un clin d’œil.



—  Madame, Monsieur, bonjour, mon nom est Isabel Reis et je suis votre chef de cabine. Le commandant de bord Jean-Pierre Sadirac et l’ensemble de l’équipage ont le plaisir de vous accueillir à bord de l’Airbus 321 d’Air France, compagnie membre de Skyteam à destination de Lyon… »

Je venais de m’installer alors que la cohue sage et appliquée des passagers continuait à s’écouler dans le long couloir de l’appareil, qui cherchant sa place, qui plaçant son bagage dans un coffre…

Après avoir salué mes voisins de siège, je m’apprêtais à réécouter les consignes mille fois entendues, alors que l’annonce faite au téléphone intérieur avait encore ce côté impersonnel qui faisait que pour l’instant personne n’y était vraiment attentif, la chair manquant encore à cette charmante voix « off », au léger accent espagnol… Les hôtesses volant pour Skyteam dont fait partie Air-France provenant de toute l’Europe…et d’ailleurs.

Nous atterrissions donc à Lyon, où mon frangin et sa femme Jeanne devaient venir me chercher pour passer une semaine ensemble dans le Vercors, semaine dont le programme selon les rites établis depuis un moment, se partageraient entre soirées au coin du feu, un verre à la main à refaire le monde, qui en avait bien besoin, et à dire quelques conneries…ça, on savait faire…Une table chaleureuse nous réunirait autour de la dégustation de quelques douceurs que Jeanne, savait préparer… à chacun ses compétences.

Et ce qui surtout occuperait nos journées, la recherche sous les frênes, du Graal qu’avril y cache : la morille, miracle éphémère et parfumé, qui nous fait parfois courir la montagne pendant des heures… pour des prunes.

Marie une copine de Jeanne devait se joindre à nous.

J’anticipais, en souriant déjà…

Dans le brouhaha feutré, la voix au charmant accent reprit:

— Les consignes que nous allons vous présenter concernent votre sécurité à bord, merci de nous accorder votre attention.

Quelques instants plus tard une silhouette s’avançait dans le couloir, alors relevant la tête, désireux de mettre un visage sur la jolie voix, je fus scotché à mon siège.

J’avais à trois mètres devant moi, la sœur jumelle de ma jolie Sagrario.

Dans le tailleur bleu marine de son uniforme, je retrouvai la même silhouette mince à la sensualité nerveuse que celle de ma belle amie, ce visage avait les mêmes traits harmonieux, les mêmes yeux pers, même la coupe courte des cheveux châtains clairs était semblable… Éberlué, je n’en croyais pas mes yeux.

Le joli miracle Isabel avait de plus un sourire magnifique dans lequel passait tout son charme, à la fois tendre, coquin, espiègle et chaleureux il captait l’attention et ensorcelait de douceur et de féminité.

J’étais fasciné et la buvais des yeux, pris par son charme, bouleversé de retrouver ma « Sagra » dans une situation et un moment si inattendus.

Était-ce mon regard médusé ou le sourire idiot que je ne devais pas manquer d’avoir… elle me fit un clin d’œil… j’en suis sûr, je suis prêt à le jurer!

J’écoutai les consignes de sécurité et regardai la belle hôtesse qui les dispensait comme jamais je ne l’avais fait jusqu’alors.

J’avais connu Sagrario, j’ignorais jusqu’à l’existence même de ce prénom, pendant des vacances au Portugal. Son mari et elle étaient amis du couple de copains avec qui nous avions pris une location, et ils étaient venus les rejoindre.

Sagrario était très belle et je m’aperçus que je lui plaisais, mais cela dut rester en tout bien tout honneur, chacun de nous était marié, elle aussi avait deux enfants et me confia qu’elle aurait des scrupules à tromper son mari, ce à quoi je lui rétorquai que je n’en aurais aucun qu’elle le fasse… blague pour me cacher une déception ainsi qu’une tentation qu’il valait mieux mettre le plus loin possible… je ne voulais pas gâcher la tendre complicité affectueuse qui s’était déjà installée entre nous et, en prime coller le Bronx dans leurs couples…dans le mien, ce n’était plus à faire…

Ma « Sagra » est restée , et reste, une « partenaire de jeu » cérébral… idéale! Ce cérébral qui prend parfois une importance, avec le temps, qu’on avait peut-être un peu sous-estimée …

Eh, bien! Il me rattrapait le cérébral… la belle Isabel était entrain de faire remonter une foule de souvenirs aussi précieux que tendres, et avait mis en marche la boîte à fantasmes qui là-haut tournait déjà en surrégime…

Je la regardais sans cesse, à l’affût du moindre de ses gestes, émerveillé par sa beauté et le charme de son sourire, je restai subjugué par sa ressemblance avec ma belle amie, me demandant si mes sens ne me jouaient pas des tours…c’était de la sorcellerie!

Je devais absolument trouver un moyen de lui parler, sans toutefois lui paraître cavalier en l’abordant sabre au clair dans le cadre de son travail au milieu de tous ces gens… je devais trouver un moyen.

Elle avait bien sûr remarqué que je la regardais beaucoup et répondait à mes regards avec son beau sourire, et je trouvais cela plutôt encourageant…

Je la vis se diriger vers le galley d’où elle ressortit quelques instants plus tard tirant un trolley chargé de boissons, sachets et paquets divers, c’était le moment du service de collation…elle était là, l’occasion!

Quand elle arriva à notre rangée, elle servit d’abord le passager qui se trouvait côté hublot, elle se tenait tout près de moi… elle sentait bon…! Puis elle servit la passagère assise à ma gauche, une femme assez âgée qui avait une voix de fumeuse. Elle commanda un café noir et des biscuits…

Puis vint mon tour…

— Monsieur? Vous désirez…?

J’aurais dû répondre: Vous!

Je déconne… mais c’est exactement ce que j’aurais dû dire…

— Un jus de tomate, Mademoiselle et plutôt du salé, s’il vous plaît!

Je la regardai faire et me préparai à lui dire à quel point…

— Mademoiselle, c’est un café noir que je vous ai demandé! Pas un crème!

— Je pense vous avoir servi un café noir, Madame.

— Certainement pas! Il y a du lait, là-dedans! Allez-y! Goûtez!

— Je vais le changer, Madame!

Cette vieille noix me cassait la baraque avec ses récriminations… la jolie Isabel n’était sûrement plus dans l’humeur de se laisser compter fleurette. Très pro, elle ne cessa de sourire mais lorsque je croisai son regard elle eut une mimique qui me dit clairement son agacement…

L’autre ne la remercia même pas… Isabel s’occupait déjà des passagers de la rangée suivante, et moi j’étais comme un con avec mes compliments ravalés.

Une petite voix perchée sur mon épaule gauche…depuis le temps qu’elle me connaît, elle sait que mon oreille droite à cause d’un peu trop de décibels manque de fiabilité, ricanait, me traitant de « gros naze »… que si ça continuait, on allait encore bien rigoler…

Je pris une carte dans mon portefeuille et la posai bien en évidence sur le plateau… je remarquai que la vieille noix la regardait, mais n’en avais que faire… Isabel ne pourrait pas manquer de la voir quand elle viendrait lever le plateau…quelques minutes s’écoulèrent…

Ce fut Conchita, l’autre hôtesse à l’accent espagnol elle aussi, que j’avais baptisée ainsi mais qui m’intéressait beaucoup moins que sa jolie collègue qui arriva dans mon dos et s’empara du plateau… je la remerciai alors que je hurlai intérieurement: « C’est Isabel que je veux, pas toi! » en même temps que je voyais le contenu du plateau terminer dans le grand sac plastique suspendu à l’avant du trolley.

On attendait Grouchy, et c’est Blücher… Waterloo, morne plaine…!

Et l’autre sur l’épaule gauche, mort de rire, continuait à me distiller son ironie à deux balles…

— Mesdames et Messieurs, bonjour, c’est votre Captain, Jean- Pierre Sadirac, nous commençons notre descente sur Lyon Saint-Exupéry où la température est de dix-sept degrés et nous nous poserons avec dix minutes d’avance sur…

Ok là, à la sortie pas de problème je lui donne ma carte de la main à la main. Garanti! —

Je la regardais encore, m’imprégnant de toute sa beauté. Isabel, merveilleuse Isabel, deux fois miracle…

Isabel, Sagrario, l’une était l’autre et je ne savais plus… et n’avais plus aucune envie de savoir.

La vie me faisait un cadeau que je n’espérais pas…

Choc des roues entrant en contact avec le sol, les cinquante tonnes d’acier lancées à plus de deux cents kilomètres heures ralentirent leur course dans les tremblements sourds du freinage qui, ressemblant plus aux prémices d’un accident qu’ à un retour sur le plancher des vaches, en faisaient se raidir plus d’un crispés sur leur siège…puis ce relâchement, au roulage où l’appareil retrouvait une configuration rassurante…

Nous étions au sol…Isabel fit la dernière annonce…

— «…dernier virage… »

L’appareil s’immobilisa… lumière verte, signal sonore…cliquetis des ceintures de sécurité qu’on déboucle… dans une agitation feutrée, les passagers se levèrent et leur flot commença à lentement s’écouler dans l’étroit couloir. Je me levai et pris mon tour piétinant dans la longue file, à la main la carte que je m’apprêtais à lui tendre…

Alors que je n’étais plus qu’ à deux mètres d’elle, préparant mon plus beau sourire, tendant déjà la main, une voix off nasilla dans le haut-parleur.

—Pour le Captain… Chef de cabine, s’il vous plaît…

Sur un dernier sourire, elle tourna les talons et entra dans le cockpit.

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Vite… pipi!

J’avais garé ma Lancia, comme je le faisais habituellement, à la sortie de la courbe, juste avant le parc.

J’aimais bien ce parcours. Je l’avais découvert quelque temps auparavant et venais de temps à autre y marcher, il y avait des coins un peu plus loin ou j’avais trouvé des simples intéressantes: sauge des prés, calament, origan, ainsi que pas mal d’autres plantes qui agrémentaient ma balade d’ un petit côté rousseauiste herborisant.

Après un bout de chemin en contre allée sur une rocade très passante, on laissait une piste cyclable et la balade se faisait plus agréable… je n’y croisais pratiquement personne, promeneur solitaire…

Ce matin là, je commençai ma balade un peu tard, une insomnie m’avait tenu éveillé une partie de la nuit, et je ne m’étais rendormi qu’au petit jour pour me réveiller à neuf heures! Feignasse…!

Je me douchai, pris deux expressos, un croissant…une bricole par ci, un machin par là… Dix heures!

— Non! Là, c’est pas sérieux…ça va vraiment pas …! — Il va falloir se gendarmer…!— l’excellent Victor Lanoux, dans le non moins excellent film de Bernie Bonvoisin « Les démons de Jésus » venait me faire la leçon…

Je sautai dans ma Lancia et peu de temps après, j’étais sur place.

Je commençai ma balade. C’était une belle matinée de printemps et il faisait déjà presque chaud. Je marchais, tranquille, du pas du flâneur, nez au vent … un bourdon passa, le léger zonzon de son vol lourd me distrait un instant du vacarme qui provenait de la voie rapide à quelques mètres en contrebas. Dans quelques centaines de mètres je bifurquerais à gauche et là, adieu le rail de métal hurlant… les bouffées de puanteur suffocante des gaz d’échappement… le bruit… rumeur urbaine si présente dans notre quotidien qui où que l’on aille ne nous quitte jamais vraiment. M’intéressant au vol louvoyant d’un milan, à la démarche mécanique d’une pie…je l’oubliai presque.

Dans mon champ de vision, quelque chose n’allait pas… un de mes lacets défait m’obligea à m’arrêter. Je me baissai pour mater le lacet rebelle.

C’est alors que je vis une petite Fiat bordeaux clignotant à peine mis, quitter la voie et s’engager sur la bande d’arrêt alors qu’elle roulait encore assez vite. Avec un coup de frein brutal la petite voiture s’arrêta, la portière conducteur s’ouvrit à la volée et une très jolie jeune femme brune en bondit comme une diablesse sort de sa boîte.

La démarche précipitée pour contourner la petite voiture, à petits pas prestes presque sautillants en même temps qu’une légère torsion du bassin la dénonça immédiatement…la pauvrette était tenaillée par une terrible envie de faire pipi et la grimace du joli visage chiffonné disait la hantise de ne pas arriver à temps pour pouvoir s’accroupir et baisser la petite culotte…

Je m’étais arrêté pour renouer mon lacet près d’un buisson qui me cachait à sa vue, et n’avais plus aucune envie de me relever…

Je la vis d’un geste preste baisser une petite culotte mauve et dans le même mouvement s’accroupir avec une rapidité qui disait son affolement. Alors avec un sourire ineffable, elle se laissa aller dos appuyé contre la portière passager et je suis presque sûr, malgré le vacarme de la circulation d’avoir entendu son soupir de soulagement.

Elle se tenait, assise sur ses talons les jambes légèrement écartées avec l’asymétrie caractéristique que confère un équilibre instable, et tenant remontés les plis de sa robe légère autour de sa taille dévoilait l’adorable arrondi du haut des cuisses et de la naissance des jolies fesses. Elle gardait la tête rejetée en arrière, le visage maintenant détendu, éclairé par le sourire comblé d’un soulagement libérateur.

Le buisson derrière lequel je me tenais n’était qu’à quelques mètres de ma jolie pisseuse et si la rumeur de la circulation m’empêchait d’entendre son adorable murmure, je pouvais voir la petite chatte à peine ombrée d’un duvet brun, d’où jaillissait l’étincelant jet d’or liquide, la petite culotte baissée sur les chevilles achevant de donner à la scène une touche d’érotisme innocent.

Elle achevait …

Je ne suis pas adepte de ce genre de pratiques, loin s’en faut! Mais je t’assure adorable petite pisseuse que de la pointe de ma langue, j’en aurais volontiers cueilli la dernière goutte, appropriant ainsi ton joli trésor…

Elle se releva remontant la légère pièce de lingerie, j’eus cependant le temps d’apercevoir l’émouvant petit triangle brun niché en haut des longues cuisses sous le troublant arrondi du ventre. Du plat de la main elle arrangea les plis de sa robe.

Alors seulement, tournant la tête de droite et de gauche, elle sembla s’inquiéter d’une présence. Je ne fis pourtant aucun mouvement… Elle me vit.

Elle eut une telle expression de contrariété… j’étais confus et ne voulant pas que quoi que ce fût vienne gâcher ce moment …je me montrai.

Passé un instant de trouble, surtout de mon côté… cela finit par donner lieu à un joli dialogue de muets.

La mine toujours contrariée avec un hochement de tête, elle fit le geste de son index, de ses yeux vers moi :« Vous m’avez vue… »… je hochai la tête affirmativement et détachant mes mots lui murmurai: « Vous êtes très belle! » et des deux mains lui envoyai un long baiser… Elle resta un instant pensive, puis secoua sa jolie tête et sourit. Elle fit semblant de relever les pans d’une jupe imaginaire et avec une expression amusée, me fit, ironique, une génuflexion, et s’en retournant à sa voiture, après m’avoir jeté un dernier regard elle y monta. Je la regardai s’éloigner.

Depuis, je regarde beaucoup les Fiat 500. Je trouve à ces petites voitures un charme

fou.


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